Thursday, October 11, 2007

Le "piratage" de la musique est légal en Suisse

C'est en tout cas le message que donne, probablement malgré elle, la SUISA (Société suisse pour les droits des auteurs d’œuvres musicales) avec sa nouvelle taxe sur les baladeurs numériques introduite en Suisse le 1er septembre 2007. Finalement, pour un utilisateur qui n'écoute que de la musique "légale", c'est-à-dire de la musique gratuite ou pour laquelle il a déjà payé, que signifie cette taxe ? A mon avis, c'est une des questions principales que soulève la nouvelle redevance. Question à laquelle je n'ai toujours pas trouvé de réponse. Satisfaisante, du moins.

Le problème de ce genre de taxes, à la base, c'est qu'elles sont généralement forfaitaires. Pour la redevance radio et télévision, par exemple, peu importe que l'on regarde la télévision moins d'une heure par mois ou plus d'une heure par jour. Le prix est le même. Soit. Je peux comprendre ce genre de simplifications pratiques.

Je peux également comprendre que l'on fasse une supposition simplificatrice quant à l'utilisation présumée d'un support, à partir du moment où cela reste raisonnable. Par exemple, la taxe sur les cassettes vidéo (VHS) était, à l'époque, relativement acceptable. La redevance pour la télévision donnait droit à la visualisation, unique, d'un programme. La taxe payée à l'achat d'une cassette VHS donnait droit à la visualisation, répétée, cette fois, d'un programme. Ça se tenait plus ou moins. Si l'on ignore la problématique des chaînes de télévision étrangères et le fait qu'une cassette VHS pouvait également servir à l'enregistrement de vidéos personnelles.

Là où tout commence à se gâter sérieusement, c'est lorsque l'on cherche à appliquer de tels modèles dépassés à des supports aussi versatiles que les mémoires flash, disques durs et autres supports numériques. Bien entendu, mon "baladeur numérique" sert d'abord à écouter de la musique, mais il sert également à stocker mes photos, lorsque je suis en voyage, pour décharger la carte mémoire de mon appareil photo. Il me sert également comme disque dur portable, pour mes données personnelles. La limite entre "baladeur numérique" et ordinateur devient bien fine... Du coup, ça n'est plus du tout raisonnable : on ne parle plus de taxes de quelques dizaines de centimes, mais bien de taxes de plusieurs dizaines, voire centaines (très bientôt), de francs suisses. Pour l'utilisation supposée et de moins en moins vérifiée d'un support.

Reste la question initiale : pourquoi devrais-je payer pour écouter de la musique que j'ai déjà achetée ? Payer une taxe qui, soit dit en passant, n'ira vraisemblablement pas du tout dans la poche des musiciens que j'écoute. Lorsque je copie l'un de mes CD sur le disque dur de mon ordinateur, je ne paie pourtant rien. Quelle est la solution à ce paradoxe ? Introduire une taxe sur les disques durs d'ordinateur ? Ça n'est évidemment pas la solution que je propose, mais j'en connais qui y songent probablement depuis longtemps...

En fin de compte, j'ai peine à croire qu'en 2007, des gens comprennent encore aussi mal la problématique de la "musique numérique". À force de mesures contre-productives (protections contre la copie, prix élevés, taxes, poursuites judiciaires, etc.), on dirait que les maisons de disques et les sociétés censées assurer le droit des auteurs font tout pour assurer leur disparition à long terme.

3 comments:

Erik Bruchez said...

On pourrait encore discuter s'il s'agissait de quelques francs par device, mais il faut mentionner également que le prix de la taxe est complètement ridicule: plus de CHF 80 pour un nouvel iPod.

Bien sûr la SUISA rit bien de tout ceci, puisqu'ils vont obtenir bien plus d'argent qu'ils ne l'avaient espéré. Le lobbying marche très bien en Suisse. Mais ça ne sera pas mon argent pour sûr.

Anonymous said...

Oui cette taxe est injuste. Mais qui a une solution pour remunerer correctement les artistes? Perso je reve d'un outil comme eMule avec 1CHF allant directement a l'artiste par mp3.
Parce que toute autre solution avec moins de choix et moins user-friendly sera pas bonne.
Mais comment mettre en place ce systeme? Il faudrait peut-etre que les maisons de disque ne s'occupe que de faire des "disques" (et du fric la-dessus) et que les artistes gagnent de l'argent sur la musique telechargee.
Pourquoi les artistes sont a ce point lie aux maisons de disques? A l'epoque ils en avaient besoin pour "manufacturer" leurs oeuvres (enregistrement, fabrication du support), aujourd'hui cela n'est plus forcement necessaire.

Olivier Bruchez said...

> Mais qui a une solution pour remunerer correctement les artistes?

Tout dépend de ce que l'on entend par "correctement". Je suis convaincu qu'il y a de la place pour tout le monde, en musique, mais que tous les musiciens ne peuvent pas en vivre.

Après, il n'existe certainement pas une solution, mais plusieurs solutions à la question de la rémunération des musiciens. Certains se débrouillent en donnant énormément de concerts, en vendant leur musique directement sur Internet sans intermédiaires, etc.

Concernant les maisons de disques, la mode est à leur diabolisation, mais il faut tout de même reconnaître que certaines ont (ou ont eu) leur utilité : "fabriquer" des "stars", pour pouvoir ensuite lancer des musiciens moins connus et qui rapportent moins d'argent. C'est certainement encore une réalité pour les plus petits labels (je pense à ECM, en Allemagne, par exemple).

Finalement, peu importe que cette taxe soit juste ou injuste. Elle est surtout contre-productive, puisque qu'elle va surtout légitimer le "piratage". Au lieu de cela, la SUISA devrait plutôt chercher à responsabiliser les gens.